Afin d’atteindre l’égalité des droits entre filles et garçons, Plan International Belgique remet en question les normes de genre ainsi que la répartition inégale des rôles et des ressources. Toutes nos interventions visent à faire évoluer ces normes et ces inégalités et s’inscrivent dans notre « approche transformatrice en matière de genre ».

Pour comprendre comment les normes de genre affectent les enfants et les adolescent.e.s tout au long de leur vie, de la naissance à l’âge adulte, nous menons des analyses de genre. Nous en tirons des enseignements et, d’une part, étendons l’application de cette méthodologie à d’autres contextes, et, d’autre part, transposons les enseignements tirés de cette analyse dans notre stratégie d’intervention au bénéfice d’un plus grand nombre de filles et de jeunes femmes.

Comprendre les causes sous-jacentes de l’inégalité des genres

Les filles et les jeunes femmes subissent souvent des violations importantes de leurs droits, parmi lesquelles le mariage forcé, l’abandon scolaire, la violence sexuelle et liée au genre et de nombreuses autres discriminations. Afin d’être en mesure de lutter contre ces violations, nous devons acquérir une compréhension approfondie de leurs causes sous-jacentes. À cet effet, nous réalisons une analyse de genre qui permet l’identification des principaux problèmes influant sur l’(in)égalité des genres dans une région spécifique.

Les filles et les jeunes femmes sont encouragées à partager leurs expériences et leurs solutions et à collaborer avec nous pour éliminer les normes de genre néfastes qui les freinent dans leur évolution. En étant à l’écoute des besoins et expériences des jeunes femmes et des filles en particulier, nous comprenons mieux les causes sous-jacentes de l’inégalité des genres.

Cette méthode s’inscrit dans notre ambition d’élaborer des interventions fondées sur les besoins réels des filles et des jeunes femmes. Nous nous basons également sur les données de tiers fiables et/ou sur nos propres données.

Les garçons, les hommes, les membres de la communauté et les autorités sont eux aussi inclus dans cette analyse et motivés pour devenir des alliés des filles et des jeunes femmes.

Les avantages pour les filles

L’objectif de cette analyse de genre est d’améliorer la situation des filles et des femmes et de renforcer leur position et leur valeur dans la société. Les résultats de cette analyse sont utilisés pour étayer nos programmes dont le but est de faire évoluer les normes de genre et de promouvoir l’autonomisation des filles en luttant contre les stéréotypes, les préjugés et la discrimination.

Méthodologie

Nous étudions les rapports de force entre les filles et les garçons (les femmes et les hommes), les différences d’accès aux ressources et aux services, ainsi que les divers besoins, activités et rôles des filles et des femmes au sein du foyer, de la communauté et du pays. Les groupes d’âge que nous ciblons sont les jeunes entre 19 et 24 ans et les adolescent.e.s entre 10 et 18 ans, avec un accent particulier sur les jeunes femmes et les filles. Parmi les participant.e.s à l’analyse de genre figurent encore des adultes masculins et féminins, des personnes âgées, des représentant.e.s de prestataires de services, des dirigeant.e.s locaux, etc.

Nous débutons par une analyse globale de la situation et identifions les carences actuelles dans le contexte juridique, politique, économique et social qui renforcent les inégalités de genres. Pour cela, nous recourons aux rapports d’évaluation, études et statistiques mondiales et nationales existants. Nous dénommons cette étape « revue documentaire ».

À la suite de cette étude, nous collectons des données au moyen de diverses méthodes, telles que l’observation directe, les enquêtes en ligne, les entretiens individuels avec les filles, les parents, les personnes en charge des enfants, les responsables communautaires, etc. Nous organisons également des discussions de groupe afin d’encourager la participation et confronter différents points de vue.

Le processus d'une analyse de genre

 

Plan International Sénégal et Équateur ont été les premiers à réaliser une analyse de genre. Elle a été menée à bien par le personnel de Plan International et des conseillers locaux, avec le soutien technique et financier de Plan International Belgique. D’autres analyses seront réalisées au Rwanda, en Tanzanie, au Niger, au Bénin, en Bolivie et au Vietnam dans le cadre d’un programme quinquennal qui débute en 2022.

Grâce aux recommandations découlant de l’analyse de genre, nous nous efforcerons de répondre aux besoins prioritaires des filles et des jeunes femmes et de lutter contre les causes sous-jacentes de l’inégalité de genres. L’analyse de genre constitue également une bonne base pour une mesure de l’évolution au fil du temps. Ces mesures nous informent sur l’efficacité de nos programmes et étayent notre travail de plaidoyer.

Les enseignements de l’analyse réalisée en Équateur et au Sénégal

Les résultats ont révélé la persistance de rôles traditionnels et clairement définis pour les garçons et les filles ainsi que pour les femmes et les hommes des deux pays. D’une part, les filles et les femmes sont toujours chargées des tâches ménagères et de soin, tandis que les hommes contrôlent toujours les revenus, les biens du ménage, les possibilités de subsistance, le capital et les rôles reproductifs des femmes. La pandémie de COVID-19 a été un facteur qui a contribué à aggraver les normes de genre néfastes.

Équateur

En Équateur, on attend souvent des filles et des femmes qu’elles soient soumises, obéissantes et exclusives vis-à-vis de leurs conjoints, ce qui n’est pas le cas des hommes. On dénie aux femmes et aux filles la capacité de contrôler leur propre corps et leur sexualité et on attend d’elles qu’elles soient moins visibles dans la sphère publique.

On dit aux garçons d’être libres, tandis qu’on dit aux filles d’être gentilles. On dit aux garçons d’être bons en mathématiques et en sciences, tandis qu’on dit aux filles de prendre soin de leurs frères.

Représentante des autorités locales.

Violence sexuelle et liée au genre

Les données (primaires et secondaires) ont révélé que la tolérance à l’égard de la violence contre les filles et les femmes reste élevée dans les provinces de Cotopaxi, Chimborazo, Guayas et Manabí (Équateur). Seuls deux hommes sur cinq ont déclaré qu’il n’était jamais acceptable qu’un homme se mette en colère et frappent une femme. Plus de trois personnes interrogées sur cinq jugent la violence à l’égard des femmes acceptable lorsqu’elle se produit dans les situations suivantes :

  • l’homme est saoul
  • la femme n’effectue pas les tâches ménagères
  • la femme entretient une relation avec un autre homme
  • la femme ne prend pas soin de ses enfants
  • la femme ne consent pas à des relations sexuelles avec son conjoint.

Les normes sociales néfastes, la stigmatisation, la discrimination et l’acceptation de la violence à l’égard des filles et des femmes sont les principales causes de la violence liée au genre dans les régions de Cotopaxi, Chimborazo, Guayas et Manabí (Équateur).

J’ai souffert de coups, d’insultes et bien d’autres choses encore. Nous, les femmes, subissons souvent ces situations parce que nous avons peur de ce que les gens vont dire, ou parce que nous ne voulons pas que nos enfants grandissent sans père. Comment seraient-ils élevés ? Leur père leur manquerait beaucoup,
déclare une participante à un groupe de discussion de femmes adultes de Guayas et de Manabi.

Accès limité à des services (de santé) et à l’information

Une des conclusions frappantes de l’étude est l’absence ou l’insuffisance d’une éducation sexuelle complète dans les écoles et les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que l’absence de services de santé sexuelle et reproductive accessibles, adéquats et universels. La plupart des parents ne disposent pas non plus des connaissances et des outils nécessaires pour éduquer, guider et informer leurs filles et leurs fils sur les questions liées à la sexualité. Ce manque de connaissances et d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, ainsi que la désinformation sur la contraception ou d’autres formes de contrôle des naissances et de planification familiale, entraînent des taux élevés de grossesse chez les adolescentes. Une représentante des autorités locales explique : « Il existe de nombreux mythes concernant les contraceptifs. Les gens croient qu’ils peuvent causer l’infertilité et le cancer, mais aussi modifier les hormones. Ceux qui utilisent des contraceptifs deviennent excités et fous, ce qui entraîne beaucoup de grossesses. »

Voilà qui explique pourquoi plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré que les grossesses chez les adolescentes étaient courantes dans leurs communautés.

Accès limité à l’emploi

L’analyse de genre a également mis en lumière les obstacles importants auxquels les filles et les femmes sont confrontées dans leur quête d’émancipation sociale et économique. Ces obstacles entravent le développement de leurs connaissances, compétences et possibilités d’évolution et, en définitive, limitent leur accès à des moyens de subsistance durables. Dans la région où l’analyse de genre a été menée, en Équateur, il n’existe aucun programme public visant à fournir une assistance technique pour la création d’entreprise, l’accès au crédit, un capital de départ, une formation ou une bourse du travail pour les femmes.

Il y a encore des machos qui disent que les femmes ne peuvent pas avoir d’opinion, participer ou travailler. Comme il n’y a pas d’égalité totale entre les femmes et les hommes, nous, les femmes, devons continuer à nous battre pour nous affirmer dans nos communautés et dans nos familles. Nous devons pouvoir participer de la même façon que les hommes,

déclare une collaboratrice du groupe de contact féminin de Cotopaxi et de Chimborazo.

normes de genre néfastes

 

Les filles ont davantage conscience de leurs droits et s’expriment davantage

Le point positif est que cette analyse de genre montre l’impact positif du travail de Plan International au sein des communautés. Les filles, les adolescentes et les jeunes femmes exercent leurs droits, tant dans leur famille que dans leur communauté. Celles qui ont participé à nos activités et à nos groupes de discussion sont désormais plus conscientes de leurs droits et font preuve d’autonomie dans la défense et l’exercice de ceux-ci.

Mon père était super macho, il interdisait à ma mère de posséder un GSM, de se maquiller ou de quitter la maison sans sa permission. Je suis fière de pouvoir dire que les choses ont changé, grâce à Plan International. Après avoir assisté aux réunions de Plan International, ma mère a commencé à travailler et à étudier et elle a maintenant une vie sociale. Avant, elle n’avait pas d’amis car elle avait peur. Mais grâce à Plan International, ma famille et ma communauté ont changé,

déclare une participante au groupe de discussion des adolescents de Guayas et Manabi.

Sénégal

Dans les régions de Thiès, Saint-Louis et Kédougou, les hommes détiennent pour la plupart le pouvoir, tant au sein de la famille qu’au niveau communautaire. Bien que la situation progresse peu à peu, les comportements discriminatoires et les normes de genre néfastes continuent de limiter l’évolution d’une fille de nombreuses façons, par exemple :

  • son pouvoir décisionnel et le contrôle de sa vie et de son corps
  • son accès à et son contrôle des ressources sociales et économiques telles que les connaissances, le réseau personnel, le temps, les biens familiaux et l’argent

Les comportements et les normes de genre néfastes empêchent une fille d’exercer ses droits et de réaliser tout son potentiel.

Selon le chef de village de Saraya : « Certaines tâches sont réservées aux femmes et d’autres aux hommes, comme défricher la terre, construire le toit ou cultiver les champs. Même si certaines tâches peuvent être réalisées par un homme, il ne le fera pas car elles sont réservées à la femme. Par contre, il y a des femmes qui font le travail des hommes. »

Accès limité à l’emploi

La plupart des participant.e.s considère que l’accès à l’emploi et aux opportunités d’emploi est l’obstacle le plus important pour les jeunes. Les facteurs qui limitent les moyens d’existence durables des jeunes, et surtout des jeunes femmes et des filles, sont :

  • un accès difficile aux services ou au matériel (par exemple, l’ouverture d’un compte en banque pour lancer sa propre entreprise)
  • une mise en vente difficile de leur production (par exemple parce qu’il n’existe pas de plateforme où elles peuvent vendre leur production ou qu’elles n’y ont pas accès)
  • un accès insuffisant aux informations et
  • un manque de formation professionnelle ou une formation de mauvaise qualité.

Dans certains cas, les jeunes filles sont même stigmatisées pour avoir exprimé leurs ambitions professionnelles.

« Les hommes sont avantagés dans le domaine du travail. Dans notre communauté, les femmes sont plutôt des suiveuses. En fait, dans notre culture, les travaux lourds sont réservés à l’homme et les travaux plus faciles à la femme », a déclaré un répondant de Kédougou. On observe également un manque de structures d’accompagnement et d’orientation susceptibles de soutenir les jeunes filles dans leur recherche d’un emploi.

L’étape suivante ?

Les connaissances acquises grâce à nos analyses de genre en Équateur et au Sénégal seront mises à profit pour élaborer nos programmes de telle sorte qu’ils répondent efficacement aux besoins prioritaires des filles et des jeunes femmes, et traitent et fassent évoluer les normes de genre néfastes. Les résultats des analyses réalisées en Équateur et au Sénégal seront également à la base des analyses de genre qui seront menées dans d’autres pays partenaires (Rwanda, Tanzanie, Niger, Bénin, Bolivie et Vietnam), avec des adaptations en fonction du contexte.

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