En ce début d’été, des jeunes filles qui vivent en Belgique sont une nouvelle fois menacées d’être excisées lors de vacances passées en famille dans leur pays d’origine. Une situation qui pose la question: comment combattre au mieux les mutilations génitales ici et dans le Sud?

L'accroissement du risque d'excision des jeunes filles lors des vacances est une réalité bien connue. Les autorités belges et des acteurs de terrain combattent ce phénomène par des campagnes et par un cadre légal clair: toute personne qui pratique, facilite ou favorise une mutilation génitale sur ou en dehors de notre pays fera l’objet de poursuites et d’une peine d’emprisonnement.

Dénoncer par les médecins?

Mais récemment, la nouvelle Secrétaire d’Etat belge Zuhal Demir a déclaré vouloir aller plus loin dans le volet répressif. Elle souhaite voir comment les médecins peuvent davantage agir pour durcir l’approche. L’idée: engager des poursuites contre la famille de la victime dès qu’une mutilation est constatée par un membre du corps médical.

Guidée par la volonté de bien faire, cette approche est malheureusement de courte vue. Bien entendu, l’interdiction légale et les peines qui lui sont associées sont fondamentales en ce qu’elles envoient un signal fort: les MGF constituent une violation grave des droits humains et sont donc intolérables. Les peines prévues en cas de plainte sont vitales car elles peuvent décourager certains à pratiquer cette mutilation, notamment lorsqu’il n’y a pas consensus entre les parents et que la plainte peut servir d’outil de menace dans le couple ou la famille.

Mais face à cette pratique culturelle très profondément ancrée, on sait depuis longtemps que la peur et la répression ne suffisent pas. Et la volonté de faire du corps médical un auxiliaire de répression risque d’avoir des dommages collatéraux importants. Une jeune fille excisée ayant besoin de soins gynécologiques passera plus difficilement la porte d’un cabinet médical. La relation de confiance et de dialogue nécessaire entre médecins et patients sera fragilisée, alors qu’un médecin suffisamment formé pour convaincre des parents de ne pas exciser une petite fille, aura un impact décisif sur l’arrêt de cette pratique.

S’attaquer aux racines du mal

En réalité, la Belgique a beaucoup à apprendre de pays où les mutilations génitales sont pratiquées et combattues avec succès. La clé réside souvent dans l’engagement d’acteurs culturels et sociaux de premier ordre comme les chefs traditionnels, les chefs religieux, les enseignants et, bien entendu, les parents et les jeunes. La collaboration avec des organisations locales à même de maîtriser un dialogue efficace et culturellement adapté est fondamental. C’est cette approche que Plan International mène dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne et du Moyen Orient, avec un succès démontré de longue date.

En Belgique, de telles associations existent aussi, à commencer par le GAMS et Intact, qui sont en dialogue permanent avec les communautés migrantes ou d’origine étrangère où l’excision se concentre (Afrique de l’Ouest et de l’Est, Moyen Orient, Asie du Sud). Ces organisations doivent avoir les moyens nécessaires pour mener leur travail sur notre territoire.

En parallèle, il est fondamental de combattre les mutilations génitales dans les pays d’origine de ces communautés. Car tant que la pratique ne sera pas rejetée et éliminée des pays d’origine, elle se poursuivra en "miroir" chez nous.

Agir là-bas, c’est agir ici

Pour protéger les jeunes filles d’ici et de là-bas, la Belgique devrait investir davantage de moyens dans des initiatives qui font reculer ces mutilations dans les pays d’origine en brisant les tabous et en offrant des alternatives aux acteurs de l’excision.

"Si vous voulez enlever un arbre, commencez par arracher ses racines.": le témoignage de Madina Bocoum Daff. 

En Afrique des associations s'attaquent aux stéréotypes voulant qu’une fille non-excisée n’est pas mariable, propre ou de bonne tenue. Beaucoup de femmes et d’hommes qui soutiennent l’excision sont en effet convaincu-e-s que la pratique est nécessaire et positive pour les filles et les femmes car elle leur offre toutes les chances d’être socialement acceptées. Briser ces croyances permet aux parents de plus facilement assumer leur volonté de ne pas mutiler leurs filles vis-à-vis du voisinage. Quant aux exciseuses, il est souvent utile de mener avec elles un travail de "reclassement" qui leur permet de garder leur statut social et leurs revenus tout en "lâchant le couteau" en étant par exemple formées à devenir sages-femmes.

L’éducation, une arme contre les couteaux

Investir davantage dans l’éducation des filles est également un moyen efficace de combattre le phénomène. L’éducation est une arme qui permet aux filles de mieux se connaître, de se défendre et de se libérer des contraintes traditionnelles. Une fille éduquée comprendra plus facilement que l’excision est nocive et vise avant tout à contrôler sa sexualité.  Il est prouvé qu’une fille éduquée aura beaucoup moins tendance à exciser ses futurs enfants.

Si, dans la lutte contre l’excision, les dirigeants belges veulent focaliser leurs moyens dans des secteurs qui marchent, alors l’école doit être leur priorité. Suite aux économies budgétaires réalisées ces dernières années, l’heure est donc revenue de relancer la croissance de l’aide au développement, en particulier sur le volet éducatif.

Les organisations qui travaillent sur la question des mutilations génitales le savent mieux que quiconque: lutter contre cette violation des droits des filles est un travail éminemment culturel et social, qui nécessite d'agir sur une multitude de facteurs (culturels, sociaux, éducatifs, économiques…) pour tarir le problème à sa source. Mais bien que long et complexe, ce changement est parfaitement possible. Si l’on se donne la peine et les moyens d’adopter les bonnes méthodes.

A lire: 

Filles participant au projet "Sauvons les filles de l'excision" en Guinée (photo: Plan International/Johanna de Tessières)

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