Le bien-être des enfants, leur apprentissage, leur épanouissement, leur éveil à la citoyenneté… sont au cœur des préoccupations des différent.e.s acteurs et actrices de l’école. Mobiliser les droits de l’enfant comme boussole éducative permet de disposer d’un levier important pour aborder les différentes questions scolaires. À l'approche des élections de mai 2019, Plan International Belgique formule ses recommandations pour intégrer les droits de l’enfant à l'école.

D’un principe juridique à une intégration transversale en milieu scolaire

L'éducation aux droits de l'enfant consiste à apprendre les droits, par les droits (utiliser les droits comme boussole pour transformer la culture de l’apprentissage) et pour les droits (s’engager pour la réalisation de ces droits)

ugène Verhellen, pionnier des droits de l’enfant

La Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) établit que les États parties "’engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants."

Début 2019, le Comité des Droits de l’enfant des Nations Unies recommande à la Belgique d’inclure l’enseignement interdisciplinaire des droits de l’enfant dans tous les programmes scolaires de toutes les écoles primaires et secondaires. En 2010, lors du précédent rapportage, le Comité pressait également la Belgique de faire le nécessaire sur ce point. Les efforts à réaliser sur ce point sont importants et les avancées maigres.

De plus, les Objectifs du développement durable (ODD) mettent en avant l’importance d’une telle éducation dans leur objectif 4.7 spécifique à l’éducation :

D’ici à 2030, faire en sorte que tous les élèves acquièrent les connaissances et compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable, notamment par l’éducation en faveur du développement et de modes de vie durables, des droits de l’homme, de l’égalité des sexes, de la promotion d’une culture de paix et de non-violence, de la citoyenneté mondiale et de l’appréciation de la diversité culturelle et de la contribution de la culture au développement durable.

L’article 10 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) demande également aux Etats parties de prendre « toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l’éducation.» L’école est donc le lieu de socialisation par excellence au sein duquel il est recommandé de lutter contre les stéréotypes de genre et les discriminations, une démarche indispensable pour garantir une société égalitaire.

Malgré les engagements internationaux pris par la Belgique, les droits de l’enfant sont loin d’être appliqués à tous les niveaux du système éducatif. Certaines écoles accordent une attention particulière aux droits de l’enfant au quotidien, mais la plupart se limitent, dans le meilleur des cas, à des informations ponctuelles, qui plus est sous la forme de leçons à apprendre par cœur. Or, il est important que les droits de l’enfant soient intégrés de façon transversale, pluridisciplinaire et coordonnée non seulement tout au long de la formation des élèves mais également de celle des enseignant.e.s et de tous les professionnel.le.s en contact avec des enfants. En outre, les droits de l’enfant ne doivent pas se limiter à leur connaissance, mais impérativement s’élargir à leur pratique, aux attitudes et aux aptitudes.

Différents obstacles ou freins à l’intégration des droits de l’enfant dans le système éducatif peuvent être identifiés :

  • Une absence d’engagement politique clair faisant de cette thématique une priorité
  • Un manque de formation – initiale et continue - des enseignant.e.s sur le sujet Un manque de soutien aux directions et corps enseignant souhaitant inclure une éducation aux droits de l’enfant dans le programme, voire mettre en place un projet pédagogique sur le sujet
  • Un manque de coordination globale, de partage des bonnes pratiques
  • Un manque de temps de la part de l’enseignant.e, face aux multiples demandes sociétales auxquelles l’école est confrontée

Le résultat de ce manque éducatif est qu’un grand nombre de jeunes méconnaissent leurs droits et ne sont pas en mesure d’en identifier les violations. Quand bien même ils les reconnaissent, ils ne parviennent pas à activer ces droits, ou à les revendiquer.

Les droits de l’enfant comme approche dans l’enseignement, pourquoi?

Au-delà des nombreux engagements internationaux mentionnés précédemment, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles l’éducation aux droits de l’enfant devrait largement être promue dans l’enseignement et en devenir un fondement :

  • L'application des droits de l'enfant conduit à une amélioration de la qualité de l'éducation et favorise le bien-être des élèves, des enseignant.e.s et des parents à l'école, comme le prouvent de nombreuses expériences nationales et internationales. Les écoles qui utilisent les droits de l’enfant comme base de leur approche scolaire en retirent de nombreux effets positifs. La relation entre les enseignant.e.s et les élèves s’améliore, les comportements de harcèlement diminuent, les valeurs liées à la citoyenneté sont mieux intégrées, les élèves montrent des attitudes plus positives à l’égard de la diversité et montrent plus de respect pour les droits des autres. Les droits des enfants offrent également aux écoles de nombreuses opportunités de réaliser leurs missions pédagogiques. De plus, le mal-être au sein du corps enseignant diminue et la participation des parents augmente.
  • La motivation des élèves augmente, pendant les cours, mais aussi en dehors (exemple : terrain de jeu), où l’on parle davantage des droits des enfants.
  • Une approche axée sur les droits des enfants est un facteur positif dans une optique d’égalité des droits et des chances. En effet, il apparaît que les droits de l’enfant ont un impact positif, particulièrement dans les écoles où les enfants proviennent de milieux socio-économiques plus précarisés. Par conséquent, les performances scolaires s'améliorent et l’absentéisme diminue.
  • Les droits des enfants forment un cadre permettant de répondre à différentes problématiques auxquelles les écoles sont confrontées (lutte contre le harcèlement, réalisation de la participation, sensibilisation au climat, etc.). L'application des droits des enfants ne consiste donc pas nécessairement à faire des choses supplémentaires, mais à faire les choses différemment. À une époque où les enseignant.e.s et les écoles sont parfois dépassés par des attentes sociétales divergentes, cela leur permet de conserver toutes ces choses dans un cadre cohérent. De plus, un cadre de droits des enfants leur donne l’espace de définir leurs propres accents selon le contexte de l’école. Le partenariat pour les Ecoles des droits de l’enfant, a mis au point divers outils pour adapter ce cadre aux visions et au fonctionnement individuels des établissements.

Bonne pratique: les Écoles des Droits de l’Enfant et les Schools for Rights

Les programmes Ecoles des Droits de l’Enfant/Schools for Rights, notamment menés par Plan international Belgique, favorisent le respect de tous et toutes, préconisent l’écoute et le règlement non-violent des conflits, donnent leur place à chacun.e dans le respect des individualités, aident les enfants à exprimer leurs idées, préconisent la solidarité plutôt que la compétition, ou encore promeuvent l’inclusion de chacun.e en fonction de ses compétences.

Une École des droits de l’enfant/School for Rights intègre les droits de l'enfant à la vie quotidienne de l’établissement : les cours, le règlement scolaire, les activités, la participation... Les enfants et les jeunes grandissent alors dans un climat de respect pour les droits de l’enfant. Ce projet permet aux élèves de connaître leurs propres droits tout en découvrant la situation d’autres enfants dans le monde. Pour devenir une École des droits de l'enfant (enseignement primaire) ou une School for Rights (enseignement secondaire), les écoles travaillent à installer un "climat des droits de l’enfant" dans l’école, pendant respectivement deux et trois ans.

Tout au long du trajet, les écoles sont appuyées à l’aide d’outils pédagogiques, de formations et d’ateliers adaptés à la réalité des établissements. Au terme de ce parcours, l’école décroche le label 'École des droits de l’enfant' : désormais, l’école est autonome et reconnue aux yeux de tous et toutes – élèves, parents, enseignant.e.s et direction - comme ambassadrice des droits de l’enfant.

Nos recommandations

Plan International Belgique propose les recommandations suivantes pour intégrer les droits de l’enfant aussi bien dans la vision du système éducatif francophone que dans les établissements scolaires eux-mêmes :

  1. Intégrer l’éducation aux droits de l’enfant dans tous les cursus scolaires, de manière transversale et pluridisciplinaire, au cœur d’une approche cohérente et adaptée de 'culture des droits de l’enfant'.
    Il est essentiel que l’éducation aux droits de l’enfant soit incluse dans une approche holistique, autrement dit, que la thématique ne fasse pas l’objet d’attentions uniquement aux alentours du 20 novembre, ou dans le cadre d’un seul enseignement, d’un seul cours, ou d’une activité extra-scolaire noyée parmi d’autres. Cette perspective est justifiée par le fait que les droits de l’enfant constituent une matière transversale au sens où ils concernent tous les domaines de la vie.
  2. Conformer les orientations de l’enseignement à la Convention Internationale des droits de l’enfant
    Les différentes réformes à l’agenda (Pacte pour un enseignement d’excellence, Plan de pilotage des écoles, éducation à la philosophie et à la citoyenneté, formation initiale, continue) doivent se faire à travers le prisme de la Convention. Les principes fondamentaux – participation, non-discrimination, intérêt supérieur de l’enfant - doivent servir de boussole pour pouvoir déterminer la qualité et la pertinence de la réforme.
  3. Impliquer les enfants dans les décisions liées à l’école
    La participation est un principe fondamental de la Convention. L’article 12 stipule que les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. Les enfants devraient donc pouvoir se prononcer sur le fonctionnement de leur classe, de leur établissement, mais également du système éducatif, et voir leur avis pris en considération.
  4. Intégrer l’éducation aux droits de l’enfant dans la formation initiale et continue des enseignant.e.s
    Les droits de l’enfant et/ou la Convention relative aux droits de l’enfant ne sont pas explicitement mentionnés dans les programmes de formation des futurs enseignant.e.s (du primaire au secondaire inférieur). De plus, les droits de l’enfant ne constituent pas une thématique transversale dans la réforme relative à la formation initiale des enseignant.e.s. De fait, ce qui aurait pu constituer une opportunité pour lier les différentes compétences à la Convention ne sera abordé que dans le cadre d’un cours spécifique, le tout au détriment de la promotion d’une culture des droits de l’enfant dans l’enseignement francophone.

En savoir plus ?

Jonathan Moskovic – Education aux droits de l’enfant en Belgique
Plan International Belgique
02 504 60 11
jonathan.moskovic@planinternational.be

TÉLÉCHARGEZ NOTRE MÉMORANDUM AU FORMAT PDF (28P., 1,10 MO)

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