En Guinée, la quasi totalité des filles subissent encore l'excision. Celles qui ont pu y échapper sont considérées comme anormales, impures et frivoles, et font face à de nombreuses discriminations. Pour mettre fin à cette situation, Plan International et son partenaire local organisent des rencontres entre filles excisées et non-excisées. Objectif: libérer la parole, briser les clichés et permettre à une génération de dépasser les clivages du passé.
Profondément ancrée dans la tradition guinéenne, l'excision est un rite de passage obligé pour les filles du pays. Selon les dernières statistiques, près de 97% des femmes y sont aujourd'hui excisées, faisant de la Guinée le pays le plus touché par cette mutilation génitale féminine en Afrique de l'Ouest. Et le second pays ayant la plus haute prévalence au monde.
L'excision - à savoir l'ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres - est officiellement punie par la loi en Guinée, et reconnue comme l'une des pires violations des droits humains et des droits des femmes.
Rejeter l'excision, un choix courageux
Depuis quelques années pourtant, les choses bougent. Sous l'impulsion de Plan International, de plus en plus de parents commencent à rejeter l'excision. Quitte à être rejetés par leur propre famille ou leur village. Voire même à se mettre en danger.
Bintou, 13 ans, fait partie de ces jeunes filles qui ont échappé à l'excision
Mon père s’est opposé à l'excision car il savait que je courais des risques. Mais il s’est mis à dos beaucoup de membres de la famille. Depuis, mes tantes ne veulent plus lui parler. Beaucoup chez moi pensent que je devrais être excisée."
En tant que fille non excisée, Bintou a souvent été la proie de railleries d'autres filles de son école, de son voisinage ou de sa famille. C'est pourquoi elle s'est immédiatement engagée dans le projet de dialogue sur cette question mis sur pied par Plan International et son partenaire local AJKPS dans sa ville de Kissidigou, à l'est de la Guinée.
Je sais que j'ai de la chance d'avoir échappé à l'excision, mais ce n'est pas toujours facile à cause de ces moqueries. Ce n'est pas juste. Beaucoup de filles doivent cacher le fait qu'elles ne sont pas excisées.
Le théâtre pour briser le tabou
Ce matin, Bintou et une trentaine de filles excisées et non excisées s'apprêtent à jouer une pièce de théâtre qu’elles ont patiemment écrite ensemble sur la question de l’excision. Autour, parents et curieux, filles et garçons, se pressent sur les chaises installées dans les estrades.
Avant d’entamer le spectacle, les filles chantent et dansent. Elles se mélangent, se prennent par le bras, rient ensemble. Excisées ou pas, il devient difficile de savoir qui est qui.
Marie-Rose, une animatrice qui encadre le projet, les regarde d'un oeil bienveillant.
Dans la société guinéenne, être non excisée reste tellement rare... Les normes sociales sont extrêmement fortes . Ces filles se font traiter de bilakoro, d’impures. Dès l’école, elles sont rejetées de leurs camarades. Briser le silence autour de l’excision, comme elles le font maintenant, c’est aussi s’attaquer à ces problèmes."
La pièce de théâtre commence. L’histoire est celle d’une fillette voulant s’opposer à l’excision dans sa famille. Les jeunes filles jouent à merveille. Les cris fusent, les pleurs aussi. Les parents réunis ce jour-là dans les gradins sont fiers de leurs filles. Tous ne sont pas venus – certains ne sont pas d’accord avec l’activité.
Le dialogue pour faire avancer les choses
La pièce se termine bien : l’excision a été évitée. Les filles saluent le public. La joie et la fierté est palpable dans leurs yeux.
Vient ensuite le temps des discussions. Chacune peut poser des questions aux autres. Les questions, on le sent, sont parfois adressées aux parents assis à l’arrière. Qu’importe. La parole est libre. Les différences oubliées.
Nafadima, 18 ans, explique comment s'est passée son excision.
On m’a excisée quand j’avais 5 ans. On m’avait dit que j’allais simplement aller en foret, sauter d’un arbre et qu’on me rattraperait. Que c’était ça mon 'initiation'. Mais là-bas, on m’a coupée. Aujourd’hui encore, je souffre. J’ai très souvent des douleurs et je sais que je vais en souffrir toute ma vie."
Une situation qui a poussé la jeune femme à s’engager dans ce projet de lutte contre l’excision financé par Plan International.
Les gens m’appellent ‘la française’, ils disent que je ne suis plus une vraie guinéenne parce que même si je suis excisée, je remets en question la tradition ancestrale. Ce n'est pas grave. Moi, je connais les conséquences de l'excision, et je n'ai pas peur de dire que je suis heureuse que vous y ayez échappé."
Une génération sans excision
La matinée de spectacle et d’échanges touche à sa fin. Les filles rigolent, se prennent en photo avec leur téléphone portable, se tapent dans la main. Vivent leur vie de jeunes filles. La musique se met à hurler des enceintes géantes. Du RnB les fait se trémousser.
Une jeune participante rigole à la porte d’entrée:
Vous imaginez cela du temps de nos mères ? Jamais ! Mais nous, nous sommes une autre génération. L’excision ne nous divisera plus."
En Guinée comme dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne, Plan International et ses partenaires mènent d'importants projets de lutte contre les mutilations génitales féminines. Campagnes de sensibilisation et de prévention, discussions communautaires, mobilisation des leaders religieux, soutien à l'élaboration de lois banissant toute forme de violence faite aux femmes...
Un travail de longue haleine se fait de la base au sommet, en prenant en compte les traditions culturelles de chaque communauté. Pour parvenir, petit à petit, à faire reculer de l'excision et bâtir un avenir sans violences sexuelles pour les filles.
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