Actualités Comment combattre l’excision en Afrique de l’Ouest?
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Comment combattre l’excision en Afrique de l’Ouest?

Les mutilations génitales féminines – dont l’excision est la forme la plus connue – sont l’une des pires violations des droits des filles au monde.

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"J'étais toute petite quand j'ai été excisée. Je ne me souviens plus de rien. J'avais 11 ans quand ma mère me l'a raconté. C'est une tradition qui doit cesser, parce que ça fait très mal. Si j'ai une fille, je ne veux pas qu'elle soit excisée. J'espère que mon mari sera du même avis." - Mathi, 14 ans, Mali

Pratiquées dans une trentaine de pays, les mutilations génitales féminines affectent principalement les filles d’Afrique subsaharienne. Les conséquences physiques et mentales sont souvent dramatiques, surtout en Afrique de l’Ouest, où la pratique reste très ancrée. Loin d’être une fatalité, le phénomène recule, grâce à la mobilisation de millions de femmes, d’hommes et d’enfants.

Que fait Plan International contre l'excision?

Ouvrir le dialogue dans les communautés

Entourée de secrets, cimentée dans une tradition séculaire, justifiée par des motifs culturels ou religieux, l’excision est souvent taboue dans les communautés. La première chose à faire est donc de délier les langues pour permettre à chacun et à chacune d’exprimer son opinion et remettre cette mutilation et ses conséquences en question.

A l’heure actuelle, des centaines de villages d’Afrique de l’Ouest organisent de telles discussions initiées par Plan International et ses partenaires. Notre appui de longue date en matière de santé et d’éducation dans ces villages nous a permis de tisser des relations de confiance avec la population et d’être légitimes pour faciliter ce débat délicat.

Mobiliser les leaders religieux et coutumiers

Les mutilations génitales féminines sont en général interdites par la loi, même dans les pays où elles sont très fréquentes. Mais les lois et les sanctions pénales ont bien du mal à être connues et appliquées, la vie dans les zones rurales restant régie par les coutumes ancestrales ou la parole des leaders religieux.

Nos équipes débattent avec les leaders religieux (imams, prêtres, pasteurs…) et coutumiers (chefs traditionnels, anciens), les forment aux questions de droits et de santé liées à l’excision et, progressivement, en font des alliés dans la lutte à mener dans les villages. Des table-rondes permettent aussi d’obtenir de ces responsables religieux et coutumiers des déclarations publiques condamnant l’excision, diffusées massivement dans les lieux de cultes, à la radio, à la TV, etc.

Nous devons expliquer aux gens – hommes et femmes – la différence entre les prescriptions religieuses et les coutumes familiales traditionnelles. Beaucoup pensent que l’islam préconise l’excision, mais c’est faux", témoigne l’imam Nega. "Partout où je vais, je parle des dangers liés à l’excision. Je pense qu’entretemps, 90 % des habitants de mon village ont renoncé à la coutume. Les 10% restant n’auront pas d’autre choix que de suivre le mouvement.

L'imam Nega, qui lutte avec détermination contre l'excision au Mali
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Marie, 15 ans, a toujours refusé d'être excisée et, avec le soutien de Plan International, est devenue convaincue de la nécessité de lutter contre cette pratique. © Plan International

Accompagner l’abandon de l’excision dans les villages

Une fois le débat ouvert, nos équipes locales initient des activités de sensibilisation avec des animateurs locaux maîtrisant, entre autres, le contexte ethnique et religieux. Ainsi, en Guinée, nous valorisons les cérémonies séculaires d’initiation des jeunes filles en forêt mais sommes parvenus à supprimer l’excision de ces rites.

Au bout de plusieurs mois, voire plusieurs années, notre travail mène les villages convaincus à abandonner officiellement la pratique. Cet abandon collectif de l’excision est déclaré et célébré publiquement en présence des habitants, des chefs religieux et des autorités locales. Le respect de ces engagements est ensuite assuré par un comité villageois d’adultes et d’enfants, chargé d’identifier les risques de mutilations génitales féminines et d’agir si nécessaire.

Grâce à cette approche participative de Plan International et ses partenaires, plus de 100 villages du Mali, de Guinée et de Guinée Bissau ont abandonné l’excision, sauvant des milliers de filles d’une mutilation qui les aurait marquées à vie.

Parler des risques de l’excision à l’école

On aborde rarement les mutilations génitales féminines et leurs conséquences dans les écoles d’Afrique de l’Ouest. Pourtant, faire passer ce message aux enseignant-e-s et aux élèves, filles et garçons, est essentiel pour leur permettre d’agir et de convaincre les parents.

Dans le cadre des projets mis en œuvre par Plan International contre l’excision en Afrique de l’Ouest, des animateurs scolaires sillonnent les écoles pour informer élèves et enseignant-e-s, expliquer les risques associés à l’excision, casser les croyances qui l’entourent et donner à la communauté scolaire les moyens d’agir en cas de danger, entre autres grâce à un numéro vert, enseigné dans les écoles sous forme de chanson pour que les enfants retiennent et appellent ce numéro pour se protéger, elles-mêmes (pour les filles) ou d’autres (pour tous) quand un risque d’excision survient.

Travailler avec les autorités

Si la plupart des pays où se concentrent les mutilations génitales féminines disposent de textes de lois punissant la pratique, certains pays, ne sont pas encore armés contre le phénomène (comme le Mali) ou rechignent à vulgariser la loi et à la mettre en œuvre.

Plan International collabore donc avec les responsables politiques et publics (justice, santé, police…) pour faire avancer les réglementations et leur mise en oeuvre contre l’excision, former les fonctionnaires et faire connaître les lois et les sanctions au niveau des communautés. En Guinée Bissau, Plan International a ainsi grandement contribué à ce que le Parlement adopte une loi interdisant la pratique de l’excision. En Guinée, le travail de renforcement des autorités locales a mené aux premières condamnations d’auteurs des faits dans le pays.

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Des filles non excisées de Guinée portent des t-shirts avec le message "Une fille non excisée est pure et complète". © Plan International

Faits et chiffres sur l'excision

  • Dans le monde, plus de 200 millions de femmes et de filles vivent avec les conséquences d’une mutilation génitale féminine (MGF). Cette pratique menace chaque année plus de 3,6 millions de filles – soit près de 10.000 chaque jour.
  • Si la majorité des 30 pays où se concentrent les MGF se trouvent en Afrique subsaharienne, on retrouve également cette pratique en Asie (Indonésie) et dans la Péninsule arabe (Yemen, Iraq). Plus de la moitié des victimes habitent dans 3 pays : l’Indonésie (70 millions), l’Egypte (27 millions) et l’Ethiopie (24 millions). 
  • C’est l’Afrique subsaharienne qui compte les plus hautes prévalences de MGF, avec une dizaine de pays où plus des trois quarts des femmes sont aujourd’hui mutilées, à savoir (dans l’ordre): Somalie, Guinée, Djibouti, Sierra Leone, Mali, Soudan, Erythrée, Burkina Faso, Gambie.
  • La plupart des victimes ont entre 5 et 15 ans. Dans la moitié des pays où la pratique a cours, la majorité des filles excisées l’ont toutefois été avant leurs 5 ans. C’est notamment le cas au Nigéria, au Mali ou en Erythrée. Au Yémen, 85% des excisions ont lieu la première semaine de la vie d’une fille.
  • Plan International lutte contre l’excision dans 5 pays d’Afrique de l’Ouest : Mali, Guinée, Guinée Bissau, Sierra Leone et Niger. Des projets sont aussi menés en Egypte et dans la corne de l’Afrique (Kenya, Soudan, Ethiopie).